La chronique d’Éveline Mathelet
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Chevreuil mon ami !

Je viens de lire le témoignage d’un jeune homme qui a passé 7 ans dans une forêt avec les chevreuils.
En immersion totale avec eux. Il s’est laissé "apprivoiser" et a accepté une expérience assez radicale, de "vivre chevreuil" sans abri, sans tente, sans sac de couchage, sans nourriture ou très peu.

Au delà de la beauté de son témoignage sur les relations tendres qui se sont établies avec ses amis chevreuils, c‘était passionnant de réaliser, une fois de plus, la beauté du vivant, la beauté des mécanismes d’ajustement du vivant aux conditions extérieures, que ce soit la méteo, la flore, la faune.
Ce jeune homme témoigne magistralement de son adaptation, de l’enseignement que les chevreuils qui lui ont transmis pour survivre, du lien qui s’est crée au fil des semaines et des mois. C’est une magnifique leçon de vie et d’Ayurveda à chaque page !

Ce qui m’a le plus touché c’est l’intelligence du vivant qui irrigue tous les comportements des petits ongulés. Ils gèrent de façon très précise la quantité de tanin dont ils ont besoin pour équilibrer leur alimentation, préfèrent les très jeunes bourgeons riches en substances nutritives, ils ont soin de cueillir juste ce qu’il faut dans leur territoire pour protéger la repousse et la nourriture de l’année prochaine, ils mangent certaines fleurs pour se soigner, ils se sont adaptés à vivre la nuit, moins dangereuse que la journée, et ils jouent, ils s’amusent entre eux, ils communiquent. Les chevrettes transmettent aux petits faons tout ce qu’ils sont besoin de savoir pour survivre dans les premiers mois.
Le plus surprenant est la fécondation et la gestation. L’accroche dans l’utérus de l’amas de cellules issues de l’ovule fécondé est comme mise en dormance quelques mois pour permettre une naissance à la période la plus propice pour la survie du petit. Ce phénomène s’appelle "implantation différée" . Conçu en août au moment des amours, l’amas de cellules s’implantera dans l’utérus en décembre et le petit naitra en mai ou juin. Mais si la chevrette est fécondée en novembre ou décembre, alors l’œuf va s’accrocher directement dans l’utérus , sans passer par la case dormance, de manière à pouvoir également mettre bas en mai juin, au même moment propice à la survie du jeune faon.
Comme l’écrit Geoffroy Delorme "La vie trouve toujours un chemin et il faut avoir confiance en elle".
Cette confiance dans le vivant, dans ce qui nous anime, nous pouvons la développer. Nous pouvons faire confiance à nos mécanismes intérieurs, à nos physiologies, au lieu de passer notre temps à nous bagarrer et à lutter contre le vivant en nous.
Si nous avons sommeil à un moment inapproprié, c’est que nous sommes fatigués ou que nous avons trop mangé. Mieux vaut nous reposer ou faire une diète plutôt que de prendre des excitants pour nous « remonter ». Si nous avons des reflux acides, mieux vaut remettre en cause notre nourriture et notre façon de manger plutôt que de prendre des médicaments anti-acides. Si nous digérons mal, mieux vaut modifier notre alimentation jusqu’à ce que le problème soit réglé. Si nous souffrons de stress ou d’anxiété, peut être faut-il remettre en cause notre mode de vie inadapté notre système de pensées plutôt que prendre uniquement des calmants… Bref s’adresser à la cause et pas aux symptômes. Mais il s’agit surtout de comprendre que le symptôme, c’est la manière dont la vie en nous essaie de se dépatouiller avec nos erreurs, le symptôme c’est encore l’intelligence du vivant à l’œuvre. Donc exerçons notre intelligence du vivant pour comprendre ce que la vie fait en nous, pour nous et soutenons-la du mieux possible.

Il y a des chevreuils autour de chez moi dans la montagne et je les aperçois, tôt le matin et tard le soir… et je crois que je vais partir un peu à leur rencontre…

Beau mois de mai à tous

> Eveline Mathelet, présidente de l’association Ayurveda en France


Geoffroy Delorme - L’homme chevreuil - 7 ans de vie sauvage. Editions Les Arènes


Photo de Steve Gill provenant de Pexels