Février, mois des fièvres...

... des rosées et des brumes, célébration de la pureté. Il commence avec la Chandeleur, fête de la purification de la Vierge, ancienne fête celte d’Imbolc. Et, selon la présence ou non de nuages dans le ciel de ce jour, l’hiver est réputé cesser ou prendre vigueur. Ce signe si sûr ne s’est cependant pas vérifié ces quatre dernières années... De nouveaux repères sont sans doute à trouver.

Après l’immobilité de l’hiver et la descente dans les tréfonds, le pressentiment d’une émergence fait frissonner les profondeurs avec l’allongement des jours. La terre a transmuté les moissons de feuilles, elle se sait à nouveau féconde, sous la neige ou la tièdeur, et elle transpire... tout comme nous peut-être. Dans la forêt dénudée, sur les mousses anisées, les chevelures orangées des saules, les transparences pures du gui, la rougeur des premiers bourgeons qui se gonflent, à travers les brumes, la lumière pose ses traits de baguettes magiques, et la rosée ses gouttes, éveillant la vie. Pourtant, même s’il fait tiède, même si les oiseaux pépient le printemps, même si les perce-neige couvrent les sous-bois, le temps de la manifestation n’est pas encore venu.

Temps de Mardi-Gras avant le Carême, et de St Valentin

Pour que la transmutation se fasse, il faut de la fraîcheur, la satiété du repos hivernal, celle qui nous a manqué cette année. La saveur dominante de la saison des frimas est l’amer : comme la saveur douce de l’hiver, si elle n’est pas naturellement présente dans la saison, on peut la renforcer dans l’alimentation. Sans doute éprouvons-nous tous un appétit pour les verdures présentes hors saison, les salades abondantes, les herbes aromatiques. Si nos matins sont lourds, si les désirs sont en berne ou la présence à soi-même affaiblie, une bonne dose d’amertume au matin peut nous attirer, y compris celle du café ou de la chicorée dans les pays d’eau stagnante et de terre amoureuse. L’amertume nous aidera à nous défaire des tensions, des fièvres et des tourbes tièdes que l’hiver a laissées derrière lui, à trouver le chemin de la pureté virginale et l’aurore de l’épanouissement du cœur avant le printemps.
Les raideurs, les rhumes et les états grippaux peuvent être prévenus par les préparations de céréales onctueuses, légèrement fermentées, cuites à l’eau, au lait ou dans les brumes de la vapeur, poussinantes et légèrement gluantes, mais aussi le beurre, les potées de racines, les soupes de cucurbitacées, les flans salés et sucrés... toutes préparations qui résisteront à la corrosion. Egalement par le repos nécessaire, la marche, les étirements, le frémissement des rêves de printemps encore contenus, la contemplation de la montée de la brume au soir ou au lever sur les horizons nus, des reflets dans les gouttes scintillantes, des transparences. D’ailleurs, malgré la tiédeur, l’onctuosité a encore besoin d’être nourrie : écorces de citron confites au beurre (comme expliqué dans la recette de la tarte au citron), préparations traditionnelles de Mardi-Gras, crêpes au beurre, cheesecake... et tout ce que vos désirs profonds vous suggèrent quand vous avez bien faim.

Un épisode de fraîcheur tardive ?

Si les températures re-descendent encore, et qu’un épisode de fraîcheur vienne donner vigueur aux floraisons de printemps et aux fruits d’été, ainsi qu’aux nôtres, la perméabilité entre le dedans et le dehors que la nature manifeste en ce moment aura été un précieux guide : si nous ne connaissons plus notre rosée, allons marcher ou nous plonger dans les vapeurs délicieuses du hammam ; si nous n’avons plus la force de nous mêler aux autres, préservons la tendre fraîcheur de notre cercle intime ; si nous n’avons plus d’appétit pour cet acte d’union totale qu’est le repas, donnons-lui le coup de fouet de l’amertume. Avant de rougir, de nous enflammer, de nous épuiser... ou laissons le brasier s’élever avec confiance et consummer tout ce qui doit l’être.

Florence Pomana
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