Après les flammes de ce long été indien, de cette année si chaude, de ces événements récents qui nous brûlent, voici la bénédiction de la fraîcheur hivernale. Elle éteindra les flammes, réveillera la joie et la tonicité, nous permettra de plonger dans la tristesse et la nostalgie, d’ouvrir les eaux des pleurs pour laisser sortir ce qui doit, cicatrisant les blessures, nous entourant de pureté et de clarté.
Il se fait rare ces dernières années, le froid. Alors profitons-en ! Sortons contempler les lumières douces et infinies de l’hiver à travers les arbres dénudés et ses reflets angéliques sur le givre, sortons nous gorger de fraîcheur qui rougit les joues et fait monter la joie tonique et la conscience, sortons fouler les feuilles qui crissent leur moisson de richesses à venir dans les bois... et ne chauffons pas excessivement la maison. C’est la saison où il est permis de tout manger, parce que le feu qui nous anime, avivé par le froid extérieur, consume tout... et il faut le nourrir, comme un enfant gourmand et joyeux : de doux, de salé et d’acide ; d’onctuosité, de lourdeur, de gras et de liquide ; d’intériorité, de lenteur et de profondeur.
C’est lui qui nous permet d’explorer nos désirs, qui nous porteront jusqu’au printemps, épurés par la faim et le froid, et d’éclairer notre conscience. Il nourrit notre joie présente et notre fraîcheur intérieure à venir, celle qui nous gardera des brûlures des émotions, et du soleil dans quelques mois, de la vieillesse dans quelques années. Il nourrit aussi notre tonicité. C’est le moment pour la pratique lente et toute en intériorité d’exercices physiques demandant de puiser dans les tréfonds de la chair comme les longues marches, le chi gong, certaines pratiques de yoga et de pranayama
Pranayama
Contrôle de la respiration, pratiques yogiques
... qui donnent la joie de jouer avec le froid. A cette époque de l’année, le massage est souvent pratiqué avec les pieds.
On peut aussi se retirer dans la maison et en soi-même et y mûrir comme les arbres notre floraison à venir, y rencontrer notre lumière intérieure à l’écart de la lumière omni-présente des écrans, y contempler à travers de patients travaux (fabriquer les cartes et les cadeaux peut-être) la beauté qui passe à travers nous dans la lenteur, et y préparer les nourritures qui mèneront jusqu’à la Pâque des premiers fruits et des premiers légumes nouveaux. Avec Noël, nous retrouverons nos racines, ces soleils intérieurs que sont les habitants de notre coeur, dont la lumière nous permettra de traverser la nuit et les ombres.
En cette saison où le feu impatient peut nous ronger, on peut commencer par manger beaucoup de céréales, puisque nous leur avons sans doute préféré les légumes ces derniers temps, et tous ces fruits acides et astringents que le gel a adoucis : les prunelles, l’épine-vinette, les coings, les cormes... même les poires et les pommes comme mon ami qui ne les mange que blettes, les kakis là où ils poussent, les olives... Et puis, il sera temps de profiter de ce feu qui chauffe continuellement la maison pour faire cuire à tout petit feu de grandes potées de viande, ou de légumineuses et de racines, aux herbes, aux épices, au vin, dont le parfum humide infusera la maison de bonheur, adoucissant la sécheresse du chauffage. Et de même que le liquide riche aura lentement pénétré chaque chair, de même notre chair sera pénétrée de sucs riches et régénérants, et de douceur, nourrissant notre patience, notre mémoire et notre compassion. Sans mixeur ni cocotte minute...
Si le froid nous a congelé trop vite, et que cela nous a monté à la tête, une cuillerée à soupe de vin voire une petite cuillerée de la liqueur maison le matin à jeûn peut aider, ou de l’eau chaude en boisson (oui !), ou une danse effrénée, ou de gros câlins vigoureux, ou jouer à chat avec ses enfants... Si la bronchite menace, et que les sécrétions ont du mal à se faire, du miel entre les omoplates et sur la poitrine, des feuilles de chou écrasées au rouleau par-dessus, un T-shirt bien près du corps, un bon lait chaud au miel et à la fleur d’oranger, et au dodo : si ça n’a pas guéri dans la nuit, les sécrétions se feront au moins plus facilement le lendemain.
Texte et photos Florence Pomana